« Sur beaucoup de produits phytosanitaires, iI y a une vente liée, qui fait que le conseil n’est pas indépendant, et la loi séparera la vente du conseil ». Promesse de campagne, réaffirmée en octobre dernier, le président Macron s’est engagé à réformer. A en juger de sa détermination, l’heure n’est plus à une opposition de principe mais à la construction des modalités pour éviter une multiplication de PSE !
Devant l’urgence de recréer un modèle, FNA et Coop de France ont communément proposé d’avoir des équipes distinctes de conseillers et de vendeurs, managées par des responsables distincts, dans des entités distinctes mais avec une possibilité de lien capitalistique. Cette scission légale ne concernera « que les produits phytosanitaires », un casse-tête organisationnel à intégrer dans la gestion quotidienne de l’ensemble des intrants, pour le distributeur, comme pour l’agriculteur.
L’heure des « choix »…
Quelque soit le schéma, les distributeurs vont devoir se positionner.
Que l’on soit convaincu ou non de la baisse de la consommation inhérente, de l’efficacité et de la pertinence d’un conseil indépendant, là n’est plus la question. Il y aura scission. Les ordonnances devront encore clarifier un certain nombre de points relatifs au conseil, à ses responsabilités ainsi que les modalités d’exécution.
Ce qui va changer de toute manière ...
Dans tous les cas, il va y avoir une dissociation de l’offre, ce qui va bouleverser les repères et les modèles économiques. Cette dissociation va surtout accroître la transparence et donner sa valeur à chaque composante, c’est à dire au produit, aux services (logistiques, financiers …), au conseil et à la marge additionnelle.
Sur le prix du produit nu, on peut penser qu’il n’y aura guère de différence : la distribution s’est organisée autour de centrales nationales qui négocient les mêmes produits avec les mêmes fournisseurs. Restera à clarifier la valeur apportée par la centrale par rapport à son coût de fonctionnement et donc sa viabilité sur un rôle restreint au référencement et à l’achat.
En allégeant les dispositifs de proximité avec moins de magasins, des commandes par internet, extranets, les coûts logistiques seront abaissés. Mais tous les agriculteurs n’y sont pas préparés … C’est le choix qu’ont fait les anglais et les danois qui ont externalisé la préconisation pour devenir des experts logisticiens. Pour un produit acheté 100, ils affichent une valeur de revente entre 105-115 sans conseil, tandis qu'en France, l’offre all-inclusive en France varie entre 125 et 135. Si l’on considère un coût de conseil pour la protection des cultures: de 8 à 15 €/Ha en grandes cultures, l’agriculteur pourrait espérer faire une économie de … 10 à 20 €/Ha
Comment expliquer cet écart alors que le niveau de profitabilité de la profession excède très rarement 2,5 %, quand il est positif …?
Les produits non pondéreux, comme les semences ou la protection des cultures, sous le couvert de l’innovation, ont permis d’absorber une partie des coûts de structure et de financer les développements : montage de filières, sponsor des infrastructures de stockage pour l’achat de collecte ou la vente d’engrais, coûts de la force de vente, sponsor des actions sur des commodités pour faire face à une concurrence exacerbée. Plus qu’une réelle économie, il faudra s’attendre à un rééquilibrage. Dans tous les cas, la moyennisation prendra fin et les agriculteurs paieront ce qu’ils auront acheté individuellement ! Un service moins quantitatif et plus qualitatif pour être contributif et qui s’accompagnera, comme déjà annoncé dans les campagnes par des allègements significatifs, de bâtiments, de magasins, de silos mais aussi d’hommes.
Le rôle de la distribution doit changer pour générer plus de valeur !
● L’approche client !
Tous les agriculteurs ne réagiront pas uniformément, question de génération, de vision du métier, de projet individuel. Ceci va donc militer pour une approche individuelle du client avec des outils mutuels, une segmentation de la clientèle, notamment autour de son besoin de services et de conseil, de sa capacité à gérer le risque, à tracer ses pratiques, et à commercialiser ses productions. La consolidation et l’exploitation de la connaissance « clients » prennent alors toute leur valeur à bien d’autres égards que la seule prévision de consommation de produit.
● La professionnalisation du conseil !
La qualité du conseil reste encore trop disparate, tant au niveau des conseillers (hétérogénéité des compétences), de l’offre (niveau d’attentes, engagements, formalisation) ou des outils (OAV, OAD, big Data ..). Cela passera par une contractualisation et une formalisation de l’accompagnement, une valorisation et une facturation ainsi qu’une clarification des responsabilités entre l’utilisateur et le prescripteur ! La fin du tout gratuit, des « arrangements » avec un risque de prise de distance « relationnelle ». A moins de bâtir un système gagnant-gagnant ou les risques comme les succès sont partagés !
● L’innovation !
Grand nombre d’agriculteurs se moquent ou ignorent le nom de la molécule, son mode d’action. Seul compte le résultat de la protection et son coût en fonction du risque et de l’application. Revenons aux besoins de l’agriculteur : une marge /Ha à minima sécurisée et idéalement maximisée, un coût/Ha encadré et optimisé, des produits appliqués au bon moment à la bonne dose pour être efficace ! Autant de leviers pour innover dans l’offre et dans sa mise en marché en parallèle de la technicité du produit!
● L’excellence opérationnelle !
Avec la réduction du nombre de produits, la différenciation ne se fera plus sur le choix du produit mais sur le service qui l’accompagnera. Disponibilité produit, rapidité de livraison, Omnicanal, engagement de reprise, stockage de consignation, financement etc. .. Une excellence opérationnelle qui implique une revisite de la ligne de coût avec un service différent et une proximité qui ne se manifestera plus par le nombre d’étendards qui flottent dans nos campagnes. Une révolution de la supply chain, des systèmes d’informations, la fluidité des données…
Autant de chantiers à entreprendre rapidement et qui impliqueront des changements profonds (missions, modèle business, approche client, commerce, …), qui revisiteront les organisations (supply chain, marketing, canaux...) et qui nécessiteront un accompagnement des équipes (outils, formation, coaching …) pour ne pas perdre cette connaissance locale du vivant et des hommes qu’aucun modèle ne pourra remplacer !
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